Vous avez peut-être déjà croisé des termes comme « Mixolydien », « Dorien », ou d’autres similaires, qui peuvent paraître énigmatiques. Pas de panique, ces noms, bien qu’ils semblent mystérieux, font référence à des concepts musicaux assez simples à comprendre et à appliquer. Ils sont issus de ce qu’on appelle les modes musicaux, ou les modes grecs. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Dans cet article, nous allons explorer :
- Le mode Ionien
- Le mode Dorien
- Le mode Phrygien
- Le mode Lydien
- Le mode Mixolydien
- Le mode Éolien
- Le mode Locrien
- L’origine des modes grecs
- Comment utiliser les modes dans la création de musique modale
Les modes musicaux sont, en réalité, sept variations de la échelle majeure naturelle. Explorons cela plus en détail :
Commencez par considérer la échelle majeure naturelle, qui représente le premier mode, le fameux mode Ionien. Nous expliquerons d’où viennent ces noms un peu plus tard, donc pas d’inquiétude pour le moment. Et voilà, vous connaissez déjà un mode musical ! Félicitations !
Mode Ionien
Commençons par le mode Ionien. Pour l’illustrer simplement, utilisons la échelle de C majeur. Le mode Ionien n’est autre que cette échelle majeure :
Échelle Ionienne de C: C, D, E, F, G, A, B
Séquence observée : ton-ton-demi-ton-ton-ton-ton-demi-ton
Structure :
En résumé, le mode Ionien est identique à la échelle majeure.
Mode Dorien
Le mode Dorien, quant à lui, est basé sur la même échelle majeure, mais en commençant par la deuxième note, ici le D.
Échelle Dorienne de D: D, E, F, G, A, B, C
Séquence observée : ton-demi-ton-ton-ton-ton-demi-ton-ton
Structure :
Le mode Dorien se distingue par une caractéristique : il est semblable à la échelle mineure, mais avec une sixième majeure.
Maintenant, explorons l’utilité pratique de ces modes. Prenons l’exemple du mode Dorien de D. Si nous construisons ce mode à partir des notes de la échelle de C majeur, cela signifie que la tonalité sous-jacente est C majeur. En effet, la séquence tonale diffère de celle de la échelle majeure naturelle car nous avons commencé à partir du deuxième degré.
Ceci a une application directe en musique. Imaginons une chanson qui commence par un accord de Dm et utilise ensuite les accords Am, F et Em. On peut en déduire que la tonalité est C majeur, même si l’accord de C majeur n’apparaît pas explicitement. Pour improviser sur cette chanson, nous pourrions utiliser la échelle de C majeur, mais en mettant l’accent sur la note D, surtout si la chanson gravite autour de l’accord de D mineur.
Ainsi, en improvisant en mode Dorien de D, nous soulignons la note D en débutant et terminant par celle-ci, tout en utilisant la échelle de C majeur comme référence.
En conclusion, lorsque nous improvisons en mode Dorien de D sur une chanson en C majeur centrée sur un accord de D mineur, nous utilisons effectivement la échelle Dorienne de D, tout en reconnaissant que la tonalité globale de la chanson est C majeur. Autrement dit, nous exploitons la sonorité spécifique du mode Dorien de D.
Mode Phrygien
Continuons avec le mode Phrygien. Pour ce faire, prenons la échelle de C majeur en partant de la note E. La séquence se présente ainsi :
Échelle Phrygienne de E : E, F, G, A, B, C, D
Séquence observée : demi-ton-ton-ton-ton-demi-ton-ton-ton
Structure :
Le mode Phrygien est caractérisé par sa échelle mineure avec un deuxième degré abaissé. L’application pratique de ce mode est similaire à celle du mode Dorien. Si vous souhaitez improviser sur un morceau en E mineur dans une chanson en tonalité de C majeur, vous utiliserez la échelle Phrygienne de E.
Mode Lydien
Le mode suivant est le Lydien, qui commence avec le quatrième degré de la échelle majeure. En prenant la échelle de C majeur comme référence, le quatrième degré est F. Bien que nous utilisions ici la échelle de C pour illustrer, il est important de noter que les modes peuvent être construits à partir de n’importe quelle échelle majeure. Examinons la échelle Lydienne de F :
Échelle Lydienne de F : F, G, A, B, C, D, E
Séquence observée : ton-ton-ton-demi-ton-ton-ton-demi-ton
Structure :
Mode Mixolydien
Le cinquième mode est le Mixolydien. Prenons la échelle de C majeur : son cinquième degré est G. Voici la échelle Mixolydienne de G :
Échelle Mixolydienne de G : G, A, B, C, D, E, F
Séquence observée : ton-ton-demi-ton-ton-ton-demi-ton-ton
Structure :
Le mode Mixolydien se caractérise par une échelle majeure avec une septième mineure.
Conseil pour les instruments à cordes
Imaginons que vous improvisiez sur une chanson en tonalité de C majeur en commençant par la note G. Vous utiliseriez alors la échelle de G Mixolydien. Vous pourriez penser que cela ne change rien de simplement commencer la échelle de C majeur par la note G.
Cependant, comprendre les formes modales peut être extrêmement utile, surtout lors des modulations (changements de tonalité).
Prenons un exemple où une chanson passe de la tonalité de G majeur à celle de C majeur.
Vous jouiez peut-être déjà en G majeur sur une certaine partie du manche de votre instrument. En connaissant la forme de G Mixolydien, vous pouvez continuer dans la même section du manche, mais en modifiant la forme pour correspondre au mode Mixolydien.
Cela permet une transition plus douce et plus agréable lors du changement de tonalité.
Au contraire, si vous changez complètement de position sur le manche pour passer à la échelle de C majeur, cela peut rendre le changement de tonalité plus abrupt et moins fluide.
Des musiciens tels que Pat Metheny, Mike Stern ou Frank Gambale illustrent parfaitement comment travailler avec les modulations. Cette fluidité dans leur jeu découle de leur maîtrise des différents modes musicaux.
Par ailleurs, bien connaître les formes de ces modes vous évitera de vous limiter à une seule forme de échelle, ce qui pourrait rendre votre solo monotone et répétitif. Cette compétence vous offre un contrôle total sur l’ensemble du manche de votre instrument, vous permettant d’explorer une variété d’expressions musicales et de naviguer aisément à travers les différentes tonalités.
Mode Éolien
Alors, le prochain mode est le mode Éolien, correspondant au sixième degré. Dans notre cas, le sixième degré de Do est La, donc voici comment se présente la échelle:
Échelle Éolienne en A : A, B, C, D, E, F, G
Séquence de tons et demi-tons : ton-demi-ton-ton-ton-demi-ton-ton
Structure :
Astuce : C’est en fait la échelle mineure naturelle !
Nous avons donc un autre nom pour la échelle mineure naturelle : le mode Éolien. Rappelez-vous, la échelle majeure naturelle a également été nommée, souvenez-vous ? Le mode Ionien.
Vous aurez peut-être noté que le sixième degré mineur est aussi appelé le relatif mineur (nous avons déjà vu ça). Ainsi, jouer un solo en mode Éolien équivaut à improviser sur une chanson en utilisant le relatif mineur.
Mode Locrien
Le septième et dernier mode est le Locrien. Observons-le :
Échelle Locrienne en B : B, C, D, E, F, G, A
Séquence de tons et demi-tons : demi-ton-ton-ton-demi-ton-ton-ton
Structure :
Astuce : C’est une échelle mineure, caractérisée par un deuxième degré mineur et une quinte diminuée.
Pratiquer les modes musicaux en se focalisant sur les degrés aide notre esprit et notre ouïe à identifier plus rapidement la tonalité d’une chanson, car cela nous familiarise avec leurs structures.
Génial, puisque nous avons étudié tout cela en se basant sur la échelle de C majeur, voyons rapidement à quoi ressembleraient ces séquences avec la échelle de G majeur (au lieu de C majeur). Cela vous permettra de voir les structures de ces modes en commençant par la 6ème corde :
Autres formes (pour les instruments à cordes)
Notez que les séquences (ton-demi-ton, etc.) restent identiques à celles que nous avons étudiées avec la échelle de C majeur. Les formes diffèrent car nous démarrons de la 6ème corde, plutôt que de la 5ème.
Ces formes, démarrant des 5ème et 6ème cordes, conservent leur structure dans d’autres tonalités. Cela est avantageux, car en apprenant ces formes dans certaines tonalités, vous les maîtrisez pour toutes. Il suffit ensuite de transposer ces mêmes formes dans d’autres tonalités.
Tout au long de vos études musicales, vous entendrez fréquemment parler de ces modes. En observant leur application dans divers contextes, vous élargirez votre compréhension et serez de plus en plus convaincu de leur utilité. L’essentiel est de les pratiquer dès maintenant, de passer du temps sur ces formes et de comprendre leurs origines.
Pour conclure notre première leçon sur les modes musicaux, laissez-moi satisfaire votre curiosité en expliquant l’origine de ces noms singuliers.
L’origine des modes musicaux
Les modes musicaux tirent leur origine de la Grèce antique. Différents peuples de cette région avaient leurs propres façons d’organiser les sons dans l’échelle tempérée occidentale. Ces peuples étaient issus des régions d’Ionie, de Dorie, de Phrygie, de Lydie, et d’Éolie, d’où les noms des modes que vous connaissez maintenant.
Le mode Mixolydien est une fusion des modes Lydien et Dorien. Quant au mode Locrien, il a été introduit principalement pour compléter le cycle, bien qu’il soit rarement utilisé en pratique.
Les modes Ionien et Éolien sont devenus les plus populaires, particulièrement durant le Moyen Âge. Plus tard, ils ont été renommés respectivement en « échelle majeure » et « échelle mineure« .
Le fait intéressant est que la plupart des étudiants en musique apprennent d’abord les termes « échelle majeure » et « échelle mineure », sans même connaître l’existence des modes Ionien et Éolien. Pourtant, ces modes grecs sont les précurseurs de ces échelles.
Comment utiliser les modes (Musique modale)
Dans les styles liés au jazz, une application très courante des modes musicaux est la musique modale.
Cette approche diffère de la musique tonale, où prédominent les concepts d’accords d’une tonalité, de fonctions harmoniques, et de progressions. La musique modale ne se soucie pas de respecter ces concepts.
Considérez cette progression d’accords :
| Dm7 | G7 | Cmaj7 |
Sur l’accord Cmaj7, nous pourrions utiliser la échelle C Lydien plutôt que C Ionien (C majeur). La différence entre les échelles Ionienne et Lydienne est d’une seule note. Comment la musique tonale réagirait-elle à cette idée ?
La musique tonale dirait : « Utilisez la échelle Lydienne brièvement, comme une note de passage, car elle n’appartient pas à la échelle de C majeur. »
En revanche, la musique modale encouragerait : « Accentuez et reposez sur la note définissant la échelle Lydienne, pour montrer clairement que vous jouez en C Lydien, et non en C majeur. »
Voyez la différence ? La musique modale cherche à souligner la « saveur » du mode, indépendamment de la tonalité ou de la fonction harmonique de la chanson.
Dans la progression | Dm7 | G7 | Cmaj7 |, jouez la échelle de C majeur sur Dm7 et G7, mais sur Cmaj7, essayez la échelle C Lydien, en mettant l’accent sur le F# (la note caractéristique de cette échelle). Cela apportera une nuance modale à votre solo, laissant penser que la tonalité a changé (C Lydien étant équivalent à G majeur), une technique fréquemment utilisée dans le jazz.
Considérez d’autres accords en pensant aux modes majeurs et mineurs. Par exemple, utiliser la échelle Dorienne sur un accord mineur.
Théoriquement, sur les accords mineurs, pensez aux modes Dorien, Phrygien, Éolien et Locrien. Pour les accords majeurs, aux modes Ionien et Lydien. Sur les accords dominants (V7), utilisez le mode Mixolydien.
En pratique, dans le jazz, il est courant d’utiliser le mode Lydien sur les accords majeurs et le mode Dorien sur les mineurs, en plus du mode Mixolydien sur les dominants. En tant qu’exercice, pratiquez ces modes et créez des phrases mettant en valeur les notes caractéristiques. Cela enrichira vos improvisations !
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